Le vitrail aux Morts de l’Eglise de Saint Alour

Il y a un plus de  100 ans, c’était la fin de la première guerre mondiale. Les monuments aux morts nous le rappellent comme celui de Plobannalec  inauguré en 1923. Notre commune présente, en plus, la particularité de posséder un vitrail consacré à ce thème. L’initiateur en est l’abbé Jézégou, recteur de la paroisse de 1907 à 1946 et par ailleurs écrivain breton reconnu en particulier pour son recueil de contes ( e korn an oaled, au coin de l’âtre). Il a confié ce travail au maître-verrier G.P. Dagrant de Bordeaux, auteur de réalisations de même type notamment à Saint-Thurien, au sud-est de notre département. Pour ce faire, il lui a fourni des photos concernant le costume bigouden de l’époque, celui également des religieuses de la congrégation des filles du Saint-Esprit, sans oublier son propre portrait. L’inauguration eut lieu en mai 1921. Dans ses notes , l’abbé Jézégou avoue ne pas trop apprécier ce travail, aveu traduisant à mots déguisés des probables tensions liés à la forte personnalité des 2 interlocuteurs. Une grande quête  parmi les paroissiens a permis de concrétiser ce projet.

Le bas du vitrail représente le soldat mort en uniforme bleu horizon allongé entre ses parents habillés en costume bigouden de l’époque. Les connaisseurs auront vite repéré la hauteur de la coiffe au lendemain de la guerre. Autre personnalisation du décor : la présence d’une religieuse de la Congrégation des Filles du Saint-Esprit dont la première communauté s’est installée sur la commune en 1862. En somme, un condensé de la communauté paroissiale au lendemain de la guerre.

Second personnage-clé du vitrail, debout cette fois, Marianne, symbolisant la République. Ses grandes nattes tombent au-dessus d’une robe ample aux couleurs nationales et elle tient d’une main le drapeau français. Autour d’elle se regroupent différents responsables de la communauté nationale, à commencer par un prêtre en chasuble et barrette (l’abbé Jézégou lui-même) ainsi qu’un homme politique au crane dégarni, facilement reconnaissable, Clémenceau, le Père le la Victoire. De l’autre côté , on reconnaît un officier en uniforme, porteur de la médaille de la légion d’honneur.

A l’arrière, dans  un décor fortement teinté de vert se détachent au milieu des flammes les murs de la cathédrale de Reims. L’incendie qui ravagea l’édifice a été provoqué par un tir d’obus allemand le 14 septembre 1914. Cette nouvelle largement diffusée par la presse fut amplifiée par la propagande, si bien que Reims devint le symbole de la ville martyre et de la barbarie allemande.

Au-dessus, de gros nuages symbolisent le passage entre la France meurtrie et le monde céleste. Ici se dresse en majesté le Sacré-Coeur de Jésus dont la dévotion n’a fait que redoubler pendant la guerre avec un point culminant en 1917. De chaque côté se tournent vers le Christ ceux qui ont participé à la christianisation ou à la défense de la France, à commencer par Sainte Jeanne d’Arc, reconnaissable à sa coupe de cheveux et portant un vêtement aux couleurs royales. Le chroniqueur de son époque, grâce à qui nous connaissons sa vie, rapporte qu’après avoir reconnu le prince Charles, on lui remit une bannière blanche avec des fleurs de lys sur laquelle elle fit porter l’inscription Jésus Maria. C’est ce que montre le vitrail. Jeanne d’Arc est donc présentée ici comme le chef qui a contribué à chasser l’ennemi du territoire, une manière à peine déguisée de suggérer au visiteur de faire le parallèle avec la situation du moment. La même remarque s’applique à sainte Geneviève, juste au dessus de Jeanne d’Arc. Elle aussi, par son énergie et sa ténacité, a permis de sauver Paris de l’invasion des Huns. On pense à nouveau à Reims quand on découvre saint Rémy, les mains jointes et coiffé de sa mitre d’évêque. C’est lui qui baptisa Clovis et 3000 soldats à Noël 496 (sans doute), un temps fort de l’histoire nationale et de la christianisation de la Gaule.

De l’autre côté du Christ en majesté figure Louis IX, saint Louis, avec sa tête couronnée et son manteau blanc et bleu, couleurs royales, sur lequel se détache la fleur de lys, emblème de la monarchie capétienne. Ses contemporains ont vu en lui un homme pieux , soucieux de justice et de paix , idéaux si chers aux anciens combattants de 1914-18. Près de lui se détache, de profil, le visage du curé d’Ars, Jean-Marie Vianney, déclaré depuis 1905 patron de tous les curés de France. Enfin,  c’est la représentation de l’archange saint Michel aux ailes déployées et équipé comme un chevalier du Moyen-Age. On le représente habituellement en train de terrasser le dragon, attitude qui n’est pas sans rappeler celle du monument aux morts voisin où on y voit le soldat français écrasant du pied l’aigle impérial allemand, symbole du Reich.

Sainte Geneviève, Clovis, Jeanne d’Arc, saint Michel, autant de personnages qui évoquent tantôt le triomphe sur le Mal, tantôt le territoire national à conquérir ou à défendre. Voilà un beau fil directeur qui trouve son couronnement dans le réseau supérieur en forme de rose. Ici sont suggérées les différentes forces armées qui ont apporté leur concours à la victoire finale : la grenade allumée pour l’infanterie, les boulets de canon pour l’artillerie, l’ancre pour la marine, la cuirasse pour la cavalerie et enfin les ailes pour l’aviation. Au centre se détache la colombe de la paix tenant dans son bec une branche d’olivier. En somme, un bon condensé de ce qui a caractérisé l’esprit ancien combattant de l’entre-deux-guerres : le sentiment d’avoir combattu pour une cause juste, en espérant que leur sacrifice servira de leçon et qu’ainsi cette guerre sera la der des ders pour qu’enfin triomphe la paix.

Ainsi, quand on cherche à approfondir, on s’aperçoit que c’est toute l’ambiance d’après-guerre qui transparaît : les pertes humaines, le problème des dommages de guerre, la question des mentalités notamment celle des anciens combattants ou encore les dévotions religieuses activées par les canonisations récentes de 1920 : sainte Jeanne d’Arc  et sainte Marguerite-Marie Alacoque qui déclare avoir eu une apparition miraculeuse du Sacré-Coeur de Jésus.

Les autres vitraux sont tous l’oeuvre du maître-verrier Lavergne de Malakoff. Le recteur Jézégou, il est vrai, était fermement décidé à faire apposer d’autres vitraux et il l’a fait savoir autour de lui.

C’est à partir de 1927 que le mouvement s’est accéléré à la suite de l’appel de l’un de ses paroissiens. Ainsi furent mis en place successivement :

1. De 1928 à 31 : les vitraux du choeur (les temps forts de la vie de Jésus), des chapelles latérales accolées au choeur et de certaines baies du bas-côté Sud (l’envoi en mission d’Alor et Tudy, une assemblée dominicale à Plonivel pendant la Révolution).

2. En 1931 et 1932 : les vitraux du fond (St Alain et St Sébastien ainsi que le baptême de Jésus).

3. 1933 : tout le bas-côté Nord (la vie de St Alor)

4. Enfin en 1938 : le transept Nord  (les mystères du rosaire).

Ainsi toutes les baies de l’église ont été occupées par des vitraux entièrement payés par les paroissiens. Il est vrai que pour inciter les familles à faire preuve de générosité, le recteur avait promis à ceux qui verseraient  au moins  2 000  francs, de faire apparaître leur nom au bas d’un des vitraux. Contrairement à ce que pensent certains, le vitrail n’a pas été payé par telle ou telle famille mais celle-ci figure parmi les donateurs principaux, la fabrique prenant en charge le reste de la facture.